Combien font un plus un ?
Bientôt les épreuves du baccalauréat, des millions de milliards (environ) de lycéens en terminale se préparent à passer l'épreuve de mathématiques. Il est aujourd'hui tant d'aider ces âmes en peine, et répondant à cette question que de trop nombreuse personnes se posent sans avoir de réponse :
Combien font 1+1 ?
(Le genre de question que l'on voit tous les jours sur Yahoo Question réponse, c'est donc que beaucoup de gens se la posent)
Avant toute chose, on va quand même répondre à la question ; dans la plupart des cas, 1+1=2.
Mais d'après Jean-Claude Van Damme, 1+1=11 (parce que ça serait beau), et d'après les lois universelles de l'amour, 1+1=3 (ou 4, 5, 6 pour ceux qui veulent beaucoup d'enfants).
En fait, on a tout un tas de réponses possibles, pour avoir la bonne, il suffit de s'accorder sur le sens que l'on donne à "1", et à "+".
Tout d'abord, qu'est ce que veut dire 1 ? Et par extension, que veulent dire 2, 3, 4... ? Ce sont des entiers naturels, qui, concrètement, servent à compter les objets depuis bien longtemps. A l'époque (dans les anciennes langues indoeuropéennes), on avait encore du mal à distinguer les nombres abstraits du nombre d'objet qu'il représente, c'est pourquoi un mot comme "deux" s'accordait en genre avec les objets qu'il comptaient. (Car on ne concevait pas le nombre sans les objets qui vont avec) Quand il commençait à y en avoir plus, on utilise très rapidement le nombre "beaucoup". (Nombre que l'on peut encore utiliser en pifométrie). Aujourd'hui, on peut tout à fait concevoir le nombre 2 indépendamment de se fonction de comptage d'objet, en le voyant 2 comme étant l'ensemble des propriétés communes des ensembles de deux objets.
Pour pouvoir dire combien font 1+1, il faut donc être conscient que 1 est bien un nombre, et non pas un adjectif pour compter les objets, à qui ont peut ajouter d'autres sens. Il faut rester abstrait, pour ne pas tomber dans les pièges de la définition amoureuse de 1+1 (=1, car toi et moi, nous ne sommes qu'un, ma chérie !).
Si j'habite 1, rue de Peano, et que ma tante habite 1, rue de Dedekind, quel sens aura le résultat de 1+1 ? Certaines choses ne s'ajoutent pas, autant rester dans l'abstrait, et préciser ensuite dans quel endroit on a le droit de faire des additions.
1 est-il un nombre ? On a mis beaucoup de temps à s'en rendre compte, mais oui, 1 est bien un nombre ! Sa seule particularité, c'est qu'en français, on continue à l'accorder !
Pour le zéro, on a eu encore plus de mal à le sentir comme un nombre à part entière, mais il a finit par être accepté au Ve siècle.
Les axiomes de Peano
Reste à définir ce que sont ces nombres, ou plutôt, entiers naturels. (Ne parlons pas de choses compliquées comme les entiers négatifs, les fractions ou les quaternions transcendants non calculables...)
En 1889, Giuseppe Peano énonce dans l'ouvrage Arithmetices Principa nova Methodo exposita ce que l'on utilise aujourd'hui comme base de l'arithmétique, c'est à dire, ce que l'on peut considérer comme étant la définition des nombres entiers (et des calculs permis). Ce sont les axiomes de Peano, au nombre de 5. Ils disent ceci :
* Il existe un nombre qui s'appelle 0.
* Si n est un nombre, alors s(n) est un nombre. (s(n) est le successeur de n, vu intuitivement comme n+1)
* Il n'existe pas de nombre qui ont pour successeur 0.
* Si deux nombre ont un successeur identique, alors ils sont identiques
* Un ensemble qui contient 0 et qui contient le successeur de chacun de ses constituants est l'ensemble de tous les entiers naturels.
Dans le sens intuitif que l'on se fait des nombres, ces axiomes correspondent bien à tout ce que l'on sait d'eux, et sont plutôt fondamentaux. On peut accepter donc sans trop broncher ces 5 axiomes, et faire tout un tas de raisonnements dessus. Si les raisonnements sont faits sans erreurs, on pourra considérer ces résultats comme vrais, descendants directement de ce que l'on fondamentalement des entiers. C'est ce que l'on appelle l'arithmétique.
Pour des raisons pratiques, on appelle (généralement) 1 le successeur de 0, on appelle 2 le successeur de 1, etc. Ce ne sont que des notations, qui permettent de grandement simplifier la communication entre les êtres humains, et éviter par exemple le dialogue suivant :
- Combien as tu de frères et de sœurs ?
- J'ai 0 sœurs et j'ai successeur de successeur de 0 frères !
L'arithmétique de Peano
Mais cela ne nous dit toujours pas combien font 1 + 1 !
Et oui, car on a bien définit nos entiers naturels, mais il nous manque la définition de l'addition ! En effet, si on appelle + l'opérateur de la concaténation, on retrouve le résultat fondamental de l'arithmétique de JCVD : 1+1=11. Dans l'idée de ce que l'on se fait de onze (le nombre qui vient juste après 10), on risque de ne pas être d'accord avec Jean-Claude : on ne peut quand même pas faire n'importe quoi avec ce signe + ! Voilà pourquoi il est nécessaire d'en avoir une belle définition rigoureuse !
Cette définition fait appelle à la récurrence ; si x et y sont deux entiers naturels, on a :
x + 0 = x (Règle 1)
et x + s(y) = s( x + y ) (Règle 2)
Ceci nous permet donc de calculer la valeur de 1+1 :
1 + 1
= 1 + s(0) (Par définition de 1)
= s(1+0) (Règle 2)
= s(1) (Règle 1)
= 2 (Par définition de 2)
1+1=2 ! Le résultat est conforme à l'intuition ! Merci Peano !
Si 1+1=2, c'est parce que par définition, 2 est le nombre qui vient juste après 1 ! (Et non, comme l'affirme Mr Larousse, parce que par définition, deux, c'est un plus un)
Changement de base
Réhabilitons quand même Jean-Claude ! Car 1+1 est bien égal 11, mais en base 1 !
La base 1 est la base de numération la plus ancienne, celle des bâtons : un bâton plus un bâton, ça fait deux bâtons, et on note |+|=||. Par contre, dans cette base de numération, seuls les nombres composés du chiffre 1 ont un sens ! (Sauf 0, que l'on noterait ici avec un non-bâton)
1+1=11
11+1=111
Etc.
Le bon côté de ce système, c'est que l'on comprend tout de suite à quoi fait référence le nombre écrit ; le gros désavantage, c'est que le temps d'écriture d'un nombre qui est proportionnel à sa taille, si bien que l'on a très vite abandonné l'idée d'écriture tous les nombres avec des bâtons.
Si vous posez la question "combien font un plus un " à un informaticien un peu trop dans son monde, il risque de vous répondre que 1+1=10. Très utilisé en informatique, l'écriture binaire des nombres n'utilise que les chiffres 0 et 1. On compte de la même façon qu'en décimal, sauf que l'on ne garde que ce qui est écrit seulement avec des 0 et des 1 : 0, 1, 10, 11, 100, 101, .... Le nombre qui vient après 1, c'est bien 10.
Mais même si l'on change de base de numération, c'est simplement l'écriture des nombres qui change, et non ce qu'ils représente. Qu'il soit écrit 2 (en base décimale), 11 (en base unaire), 10 (en binaire) ou Zo (en Shadok) il représentera toujours le nombre 2, c'est à dire les propriétés communes des choses qui vont par 2, : un nombre pair, un nombre premier ou un nombre venant juste avant 3 (alias 111, 11 ou Meu) !
Ne pas confondre le fond et la forme !
Changement d'ensemble
Mais en mathématiques, il n'y a pas que les entiers naturels ! 1 peut certes représenter le successeur de 0, mais peut avoir d'autre signification.
Par exemple, en arithmétique modulaire, plus précisément, dans l'ensemble Z/2Z, il n'y a que deux nombres : 0 et 1. (Le trait au dessus des nombres symbolise le fait que ce ne sont pas les nombres entiers au sens classique). Tous les autres entiers sont soient égaux à 0 (ceux qui sont pairs), soient égaux à 1 (ceux qui sont impairs). On a alors 0=2=4=6=8=... et 1=3=5=7=....
Les additions fonctionnent de la même façon, sauf que l'on peut simplifier le résultat : on a alors 1+1=2=0.
Dans l'anneau Z/2Z, on a 1+1=0 !
Pour faire encore plus triavial, on peut parler de l'ensemble Z/Z, qui ne possède que un seul nombre : 0. ici, tous les nombres sont égaux à 0, et donc, 1+1=0+0=0 !
Autre exemple, la théorie des langages, où l'on parle de symboles et de mot. "1" est un symbole, parmi des milliers d'autres que l'on peut imaginer (Comme "a", "œ" ou "$"). En juxtaposant des symboles, on forme ce que l'on appelle des mots. 1a1 est un mot composé du symbole 1, du symbole a et à nouveau du symbole 1. Un langage est un ensemble de mots.
Pour définir un langage, on peut utiliser des "expressions régulières", avec les opérateurs + (d'union) et . (de concaténation). Par exemple, le langage que l'on écrit (a+b).(c+d) est l'ensemble des 4 mots {ac, ad, bc, bd} (tous les mots que l'on peut obtenir en choisissant un élément de {a,b} (écrit sous la forme a+b) et en le collant à un élément de {c+d}).
En théorie des langages, si on considère 1 comme un symbole, on dit que 1+1 représente le langage comprenant le mot 1 ou le mot 1, c'est à dire, le langage {1}.
On peut donc écrire que 1+1={1}=1 !
Bref, tout ça pour dire que 1+1=2...
En considérant la base décimale et l'axiomatique de Peano !