Choux romanesco, Vache qui rit et intégrales curvilignes
Publicité
15 août 2010

Uchronie

Le record vient à nouveau d'être explosé : le japonais Shigeru Kondo et l'américain Alexander Yee ont utilisé leurs talents respectifs d'ingénieur et d'étudiant en informatique pour calculer 5 000 000 000 000 (soit 5×1012, "5 billions" en français ou "5 trillions" en anglais) décimales du nombre pi ! Le précédent record, du français Fabrice Bellard, n'était "que" de 2,7 billions de décimales... Le calcul a demandé 96 jours de calculs (conversions en décimal et vérifications comprises - le précédent record a demandé 131 jours), et a utilisé un ordinateur de salon légèrement tuné (avant 2010, les records de décimales utilisaient des supercalculateurs). Yee n'en était pas à son coup d'essai : il a cette année calculé 1 billion de décimales de √2, de e et du nombre d'or...

jacky
L'ordinateur qui a permit de calculer 5000000000000 décimales de π

Pourquoi s'amuser à faire ça ? Yee répond lui même à la question : "parce que c'est pi" ! Mais aussi pour voir jusqu'à quel point on peut repousser les limites du calcul en entassant le matériel informatique (plus il y en a, plus les défaillances matérielles sont fréquentes, ce qui entraîne des erreurs potentielles sur le résultat final)...

Après avoir fait une série d'articles sur π au début de l'année (historique du calcul des décimales de π, propriétés de π, l'algorithme compte-gouttes et la formule de Plouffe), je me suis aperçu qu'il restait encore une question : c'est quoi, au fait, pi ?

/!\ Pour comprendre parfaitement ce qui va suivre, il est recommandé de lire le lien donné tout en bas, et aussi les commentaires de cet article... /!\

C'est quoi π ?
Tout le monde connaît plus ou moins π : un nombre (et pas un chiffre, ou encore moins un numéro) que l'on apprend en même temps que la géométrie par quelque chose comme "pi = 6.28". Avec un peu plus de précision, on a :

6.2831853071795864769252867665590057683943387987502
11641949889184615632812572417997256069650684234136...

Ce nombre possède un développement décimal infini : on ne pourra jamais en écrire toutes les décimales.

Ce nombre est avant tout une constante, qui correspond au rapport entre la circonférence d'un cercle et la longueur de son rayon. C'est quelque chose que l'on sait depuis la Grèce antique : la longueur du périmètre d'un cercle est proportionnelle à celle de son rayon ! Peu importe le cercle, le rapport périmètre/rayon est constant (ce qui se déduit du théorème de Thalès, moyennant un encadrement du cercle par des polygones réguliers).

piegpsr

π n'est rien d'autre qu'une bête constante de proportionnalité, mais comme elle a trait aux cercles (la plus parfaite des formes offerte aux humains par Dieu et son infinie mansuétude), elle revêt une importance particulière ! π se retrouve donc naturellement dans toutes les formules ayant rapport avec les cercles ou les sphères :

Périmètre d'un cercle de rayon r : p = π.r
Surface d'une sphère de rayon r : S = 2.π.r2

Aire d'un cercle de rayon r : A = 1/2.π.r2
Volume d'une sphère de rayon r : V = 2/3.π.r3

Une façon de calculer π est de dessiner un cercle sur une feuille, mesurer le plus précisément possible les longueurs r et p de son rayon et de son périmètre, et de calculer p/r. Cette méthode suffit pour connaître une valeur approchée, mais seulement dans le monde euclidien de la géométrie grecque (qui est une bonne approximation du monde physique). Depuis Einstein, nous savons que la courbure du monde varie en fonction des masses présentes : le rapport p/r d'un cercle varie en fonction des objets qui sont posés autour.

Bref, la définition de π est géométrique, et plus particulièrement, issue de la géométrie euclidienne. Le problème, c'est qu'une telle définition demande d'abord de définir la géométrie euclidienne, et les notions de longueurs, de longueurs de courbes...
Il faudrait plutôt définir π sans faire appel à la géométrie.

Définitions alternatives
La définition alternative la plus classique est la définition algébrique, qui utilise la propriété des sous-groupes additifs de ℝ . On commence par définir les nombres complexes et la fonction exponentielle complexe (par la formule exp(z)=1+z+z2/2!+z3/3!+...). On démontre que l'application f:z↦exp(iz) est un morphisme de groupe continu de (ℝ,+) vers (U,×) (le groupe des nombres complexes de module 1). Son noyau est alors un sous-groupe de ℝ, non dense (sinon, puisque f est continue, f serait constante) : il est de la forme aℤ. On définit π comme étant ce nombre a.

En termes moins savants : puisque le nombre π est la longueur du périmètre d'un cercle de rayon 1, on peut obtenir π en enroulant la droite des réels autour d'un cercle, à la manière d'un mètre-ruban de couturier.

Le groupe Bourbaki (une assemblée de mathématiciens qui a rédigé - et rédige encore - une présentation des mathématiques la plus cohérente possible. Un très grand nombre de notations et de vocabulaire employé aujourd'hui en maths provient de leur travail) définit le nombre π avec le même esprit de mètre-ruban, mais en plus analytique : on montre qu'il existe un morphisme de groupe continu g de (ℝ,+) vers (U,×), vérifiant f(1/4)=i. Ce morphisme est alors périodique (de période 1), dérivable, et il existe un réel a tel que f'(x)=a.i.f(x). On définit π comme étant ce nombre a.

Une troisième définition classique, que l'on retrouve par exemple dans l'Encyclopædia Universalis : π est le quadruple de l'unique racine de la fonction x↦cos(x) sur l'intervalle [0,2] [la fonction cos étant définie par cos z = (eiz + e-iz)/2 ]. On rappelle au passage que les fonctions cosinus et sinus sont π-périodiques...

On peut aussi définir pi sans jamais utiliser les nombres complexes, simplement à l'aide d'intégrales. La première consiste à dire que l'aire d'un demi-cercle unitaire vaut π/4, ce qui correspond à la définition suivante de π :

formule_pi

La deuxième, par contre, se justifie plus difficilement géométriquement, mais correspond à l'aire sous la courbe d'une fonction relativement simple.

formule_pi2

Les formules faisant intervenir π
Le nombre π a tendance à s'immiscer dans tous les domaines des mathématiques et de la physique. La preuve, en formules :

piegpsr_IdentiteEuler
Identité d'Euler, la base de tout

piegpsr_Stirling
La formule de Stirling, utile pour évaluer n! quand n est grand

piegpsr_distribnormale
Distribution normale (la base de tout, en probas)

piegpsr_Zeta2
Problème de Bâle (la base de beaucoup de choses, en théorie des nombres)

piegpsr_formuleCauchy  et  piegpsr_formuleCauchyCasParticulier
Formule de Cauchy (la base de tout, en analyse complexe), et un cas particulier

piegpsr_Ramanujan
Une formule de Ramanujan (base de rien, mais chouette formule)

Il y en aurait beaucoup d'autres à mettre... Et histoire d'en citer quelques unes en physique :

piegpsr_pendule
Période d'un pendule, en fonction de sa longueur et de g

piegpsr_RLC
Période des oscillations électriques dans un circuit LC

piegpsr_physquantique
Principe d'incertitude d'Heisenberg (la base de tout, en mécanique quantique)


Sources :
Tout ce qu'il faut savoir sur le record de Kondo & Yee
Quelques explications sur omnilogie.com

En fait, je voulais voir ce que ça faisait si les grecs avaient été un peu moins obsédés par les aires, et un peu plus par les longueurs...

Publicité
Commentaires
E
Si j'ai bien compris, cet article traite en réalité de tau (=2*pi) ?
Répondre
E
pm> Cherche bien, tu trouvera bien d'autres erreurs dans cet article...
Répondre
P
Bonjour, <br /> <br /> Je trouve que ton blog est bien alimenté.<br /> <br /> Cependant il y'a certaines erreurs :<br /> <br /> - La formule d'Eurler : exp(iPI) = -1 et non pas exp(iPI) = 1<br /> <br /> - La formule de Stirling : c'est un racine(2PIn) qui intervient et non racine(PIn)<br /> <br /> - Zeta(2) = (PI²)/6 et non pas Zeta(2) = (PI²)/24
Répondre
Publicité
Publicité
Publicité