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Choux romanesco, Vache qui rit et intégrales curvilignes
20 juin 2010

Números dou Brazil

La tarte aux prunes de pétanque continue à battre son plein tandis que les cerises de Chewbacca sont quasiment éliminées (quoique, mathématiquement, pas encore, mais est-ce vraiment le lieu pour parler de ça). Heureusement, d'autres grappes sont toujours là pour nous mettre des étoiles dans les yeux, et c'est le cas ce soir, puisque le Brésil se mesurera au Bangladesh...

Paf dans l'actu ! Et si je faisais un article rapide sur les nombres brésiliens ?!

br_siliens

Les nombres brésiliens, (qui n'ont rien à voir avec les nombres colombiens [1] ou avec les nombres parfaits Canada [2]) sont des nombres qui peuvent s'écrire avec un seul chiffre répété dans la base adéquate...

Les bases...
Si vous observez bien les extrémités de vos bras, vous pourrez normalement observer que vous possédez 10 doigts. C'est même l'une des principales explications au fait que la plupart des gens sur Terre utilisent la base 10 dans leur vie quotidienne. Prenons un nombre au hasard : 1807, que j'écris avec un 1, un 8, un 0 et un 7.
Cette écriture signifie en fait que 1807 = 1×103 + 8×102 + 0×101 + 7×100.
Mais le choix du nombre 10 est tout à fait arbitraire, on peut aussi écrire 1807 dans une autre base.
En base 7, par exemple : 1807 = 5×73 + 1×72 + 6×71 + 1×70. On dit alors que 1807 s'écrit 5161 en base 7. On peut écrire ça sous la forme 1807=(1807)10=(5161)7.
Écrire un nombre n dans une base b, c'est donc trouver les chiffres (x0,...,xq) (chacun entre 0 et b-1) tels que n=x0+x1b+x2b2+...+xqbq.

Et les nombres brésiliens, dans tout ça ?
Un nombre n est un nombre brésilien si on peut trouver une base dans lequel il peut s'écrire avec un seul chiffre répété.
Prenons par exemple 22. Puisqu'en base 10, il s'écrit (22)10, c'est que c'est un nombre brésilien.
Autre exemple : 31. En base 2, il va s'écrire (11111)2. C'est bien un nombre brésilien !
Et 17, alors ? Dans les différentes bases, il va s'écrire (10001)2=(122)3=(101)4=(32)5=(25)6=(23)7...Jamais un même chiffre répété. Il faut attendre la base 16, dans lequel 17 s'écrit (1,1)16. Mais cette base là ne compte pas, puisque un nombre n s'écrit toujours (11)n-1 dans la base n-1. Bref, 17 n'est pas un nombre brésilien !

Un peu plus de précisions sur la définition :
Un nombre n est dit brésilien s'il existe une base b (avec 1<b<n-1) dans laquelle ce nombre peut s'écrire sous la forme d'un même chiffre répété.
Par exemple, 1, 2, 3, 4, 5 et 6 ne sont pas brésiliens. 7=(111)2 et 8=(22)3 sont brésiliens, contrairement à 9.

Les nombres brésiliens sont apparus en 1994, lors des Olimpiada Iberoamericana de Matematica, qui se déroulaient au Brésil. Les Mexicains ont fait sensation en proposant l'exercice suivant "Un nombre n est dit brésilien si [...]. Montrer que 1994 est brésilien, et que 1993 ne l'est pas". [Le terme "brésilien" a été inventé a posteriori, puisque c'est le terme "sensato" ("sensés)" qui qualifiait alors ces nombres].

Mais alors, 1994, est-ce brésilien ?
On ne va pas s'amuser à écrire 1994 dans toutes les bases entre 2 et 1992 pour voir si ça marche, ça serait beaucoup trop long. Soyons plus malin que ça !

Méthode...
Pour montrer qu'un nombre n est brésilien, il suffit de trouver des entiers m, b et q (avec q≥1 et 1≤m

n = m (1+b+b2+...+bq)

Ici, m divise n, c'est donc un de ses diviseurs (propre). On commence donc par lister tout ces diviseurs (m1, ..., mk), qui donne tout autant de candidats potentiels pour m. Pour un diviseur mi, on écrit alors

n/mi -1=b(1+b+...+bq-1)

En listant les diviseurs de n/mi -1 supérieurs à mi, on trouve tout autant de candidats pour b. Il n'y a plus qu'à essayer de voir si une valeur de q≥1 donne n/mi = 1+b+...+bq   (= (bq+1-1)/(b-1) )

Application...
Les diviseurs de 1994 sont 1, 2 et 997.
Pour m=1, on doit résoudre 1993=b(1+b+...+bq-1). Mais 1993 est premier, donc le cas m=1 est impossible.
Pour m=2, on doit résoudre 996=b(1+b+...+bq-1). Les diviseurs acceptables de 996 sont 3, 4, 6, 12, 83, 166, 249, 332, 498 et 996.
   Avec b=3, on doit résoudre 997=(1+3+...+3q-1) : c'est impossible !
   Avec b=4, on doit résoudre 997=(1+4+...+4q-1) : c'est impossible !
   Avec b=6, 12, 83, 166, 249, 332 et 498, c'est également impossible.
   Avec b=996, par contre, en prenant q=2, on retrouve 997=1+996.
1994 est donc brésilien puisque l'on a 1994=(22)996

Bon, c'était en fait trop facile : on voit bien que tous les nombres n (>8) pairs  sont des nombres brésiliens, puisqu'ils s'écrivent 22 dans la base (n/2)-1...

En utilisant le même genre de raisonnement, on peut montrer que 1993 n'est pas un nombre brésilien, que 1807 est brésilien ou que 2007 est brésilien de deux façons différentes [2007 = (77)286 = (41,41)48]

Et les nombres premiers ?
Les arithméticiens ont une sale manie : dès que des nouveaux types de nombres entiers sont inventés, ils se doivent de chercher quels sont leur lien avec les nombres premiers (on ne sait jamais, si ça se trouve, ça pourrait donner un moyen génial et révolutionnaire d'engendrer de nouveaux nombres premiers ! - Même si dans la pratique, on en trouve jamais...)

Le petit théorème sur la primalité des nombres brésiliens énonce ceci :
Si un nombre n>7 n'est pas brésilien, alors c'est un nombre premier ou le carré d'un nombre premier.

Évidemment, la réciproque est fausse : il y a des nombres premiers qui sont brésiliens (7, 13, 31...), d'autres qui ne le sont pas (2, 3, 5, 11, 17, ...). Il y a même des nombres non premiers qui sont brésiliens (les nombres pairs), et des nombres non premiers non brésiliens (2², 3², 5², 7², 13², ...).

Ceci permet au moins de dire facilement qu'il existe une infinité de nombres brésiliens. Ce qui est plus compliqué, c'est de prouver qu'il existe une infinité de nombres non brésiliens, mais on peut montrer que tous les carrés de nombres premiers (excepté 11²) ne sont pas brésiliens.
On ignore cependant s'il existe une infinité de nombres à la fois premiers et brésiliens (d'autant qu'ils sont plutôt rare : seul 0.01% des nombres premiers inférieurs à 1 000 000 000 sont brésiliens...).

Le grand théorème sur la primalité des nombres brésiliens énonce ceci :
Si un nombre premier p7 est brésilien, alors il s'écrit dans la base adéquate avec un nombre premier impair de 1.

La réciproque est bien entendu fausse : le nombre 111 (s'écrit en base 10 avec un nombre impair premier de 1) n'est pas premier (111=3x37).

Quelques théorèmes et conjectures en vrac
(De niveaux de difficulté très variés)
* Un nombre de Fermat (de la forme 22^n) premier n'est jamais brésilien
* Un nombre de Fermat non premier est est toujours brésilien
* Conjecture : Un nombre premier de Sophie Germain (si p et 2p+1 sont tous les deux premiers) n'est jamais brésilien (vérifié seulement sur les 3000 premiers nombres pSG... On ne sait même pas s'il existe une infinité de nombre pSG)
* La série des inverses des nombres premiers brésiliens est convergente (et vaut entre 0.32 et 1)
* Tout nombre entier peut s'écrire comme différence de deux nombres brésiliens
* Conjecture : Il n'existe que trois (ou qu'un nombre fini ?) de puissances pures qui sont brésiliens répunits (ne s'écrive qu'avec des 1 dans une certaine base). Seuls trois nombres correspondent à cette définition 121=112=(11111)3, 343=73=(111)18 et 400=202=(1111)7...

Évidemment, les nombres brésiliens n'ont absolument aucune utilité, et n'en auront probablement jamais. Et c'est précisément ça qui est beau !

(Et sur ce, je pars en vacances... Réouverture du blog peut-être avant début août !)


[1] Un entier n est dit colombien (dans une certaine base) s'il est impossible de l'écrire sous la forme m+Σ(m), où Σ(m) désigne la somme des chiffres composant n. Par exemple, 2010 n'est pas colombien, puisque 2010=1986 + 1+9+8+6. Par contre, 2007 est colombien (A003052). L'invention des nombres colombiens (ou "auto-nombres"), date de 1949, et est attribuée à l'indien Dattatreya Ramachandra Kaprekar (à qui l'ont doit aussi les nombres de Kaprekar, la constante de Kaprekar, l'algorithme de Kaprekar... mais c'est encore une autre histoire)
[2] Un entier n est un nombre parfait Canada si la somme des carrés de ses décimales est égale à la somme de ses diviseurs non triviaux. Prenons par exemple 125 : ses diviseurs sont 5 et 25, et leur somme est 30. Puisque la somme des carrés de ses décimales est 12+22+52=30, 125 est un nombre parfait Canada. En fait, il n'existe que 4 nombres parfaits Canada (A070308)... Ces nombres ont été baptisés pour célébrer le 125e anniversaire du Canada...


Sources :
Bernard Schott, Les nombres brésiliens, Quadrature n°76 (2010)
2007 est-il un nombre brésilien ?, du même auteur, mais version forum de les-mathematiques.net

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Commentaires
R
On attend notre nouvel article !!!!
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