Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Choux romanesco, Vache qui rit et intégrales curvilignes
13 septembre 2009

Savez-vous compter les 82 ?

Les lecteurs assidus de ce blog savent depuis la fin des vacances comment prononcer les nombres dans la langue de Molière.
Les lecteurs encore plus assidus se rappellent comment écrire les nombres dans la langue de Samsu-ditana, de Kukulkan, de Montouhotep II, de Périclès, de Shang, de Shadoko, de Boby Lapointe et même des marchands d'huitre !
Ces systèmes sont malheureusement dépassés et/ou complètement absurdes...

Le système révolutionnaire de Condorcet
Nous sommes à la fin du XVIIIe siècle, et la prononciation des nombres est à peu près celle que l'on connaît aujourd'hui, avec ses dénominations archaïques ("quatre-vingt","quatre-vingt-dix") et illogiques (Si 17 se prononce "dix-sept", pourquoi 16 ne se prononce pas "dix-six" ?). 5 ans après sa mort, le marquis de Condorcet (ou plutôt, sa veuve) publie "Moyens d'apprendre à compter sûrement et avec facilité", dans lequel il expose une façon bien plus rationnelle de nommer les nombres, dans le même élan post-révolution de refonte totale du système en utilisant la base 10 (calendrier républicain et ses semaines de 10 jours, adoption du système métrique...).

Le système de Condorcet est en fait le système français que l'on connait tous, mais en lui ajoutant un brin de de logique pour qu'il puisse être plus facilement enseigné aux enfants :
Les nombres de 0 à 9 : zéro, un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf
Les dizaines de 10 à 90 : dix, duante, trente, quarante, cinquante, soixante, septante, octante, nonante
Pour obtenir n'importe quel nombre entre 11 et 99, il suffit d'accoler le nom de la dizaine et celle de l'unité (si ce n'est pas 0) à l'aide d'un trait d'union.
Pour nommer les nombres de 100 à 999, rien de bien original : on prend l'unité correspondant aux centaines (sauf s'il s'agit de 1), et on ajoute "cent".
Pour les nombres plus grand, on regroupe les chiffres par paquets de trois, et on place le mot qu'il faut : mille (103), million (106), dillion (109), trillion (1012), quadrillion (1015). Condorcet ne dit rien pour les nombres plus grand, à part un laconique "etc."...

La lecture des nombres est complètement simplifiée, avec un mot par chiffre ou par espace :
13 : dix-trois
21 : duante-un
42 : quarante-deux
84 : octante-quatre
2 090 002 074 : deux dillions, nonante millions, deux mille, septante-quatre

Histoire de garder quelques habitudes, les noms "million", "dillion", "trillion" et "quadrillon" prennent toujours un s au pluriel. Le mot "mille" est définitivement invariable, et plus de problème avec "vingt", puisque qu'il n'existe plus. Condorcet a pris l'habitude de mettre des virgules après les noms (bien qu'il ne donne aucune règle la dessus), on va le suivre...

Inventés lors de la révolution française, le calendrier républicain a eu son petit succès une douzaine d'années, avant que Napoléon ne s'en mêle, et le système métrique est aujourd'hui adopté par le monde entier (en oubliant cette sombre histoire d'heure décimale, qui n'est pas très bien passé - Je crois qu'un parti politique utopiste tente de le remettre à jour...). Le système révolutionnaire de Condorcet n'a en revanche pas eu la même gloire, puisqu'il a été oublié avant même d'avoir été utilisé...

Le système des myriades de Knuth
Nous sommes maintenant à la fin du XXe siècle, au moment où Conway proposait sa réforme de nomenclature des grands nombres (et ses millinillions). Donald Knuth propose lui aussi une nomenclature totalement révolutionnaire, bien plus puissante que celle de Conway (surtout en combinant les deux) et basé sur le principe de récurrence (comme tout ce que fait Knuth, en fait).
Dans le système de Conway, on change le nom des nombres à chaque fois que l'on ajoute six zéros. Dans le système de Knuth, on change le nom des nombres à chaque fois que le nombre de zéro est doublé ! Explications :

Pour les nombres de 1 à 99, on garde les noms classiques.

Pour les nombres de 100 à 9999, on utilise la dénomination traditionnelle des dates, à savoir "dizaine-unité cent dizaine-unité". Par exemple :
1515 : quinze cent quinze
4231 : quarante-deux cent trente-et-un
2000 : vingt cent

Pour les nombres entre 1,0000 et 9999,9999, on commence à grouper les chiffres par paquets de 4 (des paquets de myriades). On découpe ainsi le nombre en deux parties qui se lisent comme des nombres entre 1 et 9999, séparés par le nom "myriade". Par exemple :
1418,1515 : quatorze cent dix-huit myriades quinze cent quinze

Pour les nombres entre 1;0000,0000 et 9999,9999;9999,9999, on écrira "blabla myllions blabla", où blabla est un nombre écrit comme dans le paragraphe précédent. Par exemple :
3,0040;0001,0000 : trois myriades quarante myllions une myriade
2,0000;0000,0000 : deux myriades de myllions (la préposition "de" rend le nom plus agréable à l'oreille que "deux myriades myllions")

On continue de la même façon en prenant "byllion", "tryllion", "quadryllion", "quintyllion" etc. L'écriture des nombres par paquets de 4 utilise différents séparateurs suivant le mot à placer. Ainsi, les séparateurs seront la virgule, le point-virgule, les deux points, l'espace et l'apostrophe pour faire des groupes de respectivement 4, 8, 16, 32 et 64 chiffres.

On a donc :
100 : un
101 : dix
102 : cent
104 : une myriade (,)
108 : un myllion (;)
1016 : un byllion (:)
1032 : un tryllion ( )
1064 : un quadryllion (')
10128 : un quintyllion

Dans la nomenclature de Conway, le quintyllion vaut cent unvigintillions, le sextyllion (10256) vaut dix mille duoquadragintillions, le septyllion (10512) vaut cent quinquaoctogintillions, l'octyllion (101024) vaut dix mille septuagintacentillions, le nonyllion (102048) vaut cent unquadragintatrecentillions et le décyllion (104096) vaut dix mille duooctogintasescentillions. Puis vient l'undecyllion (108192), le duodecyllion (1016384), jusqu'au myryllion (102^10002), beaucoup trop long à écrire dans la notation de Conway !

La notation de Knuth simplifie énormément la lecture des très grands nombres mais possède un défaut : comment distinguer par exemple le tryllion de Knuth (1032) du trillion de Conway (1018) [sans parler du trillion de l'échelle courte (1012) ] ?... Ce système est malheureusement inutilisable pour les non-avertis...

Le système roli de Guery
Alors que le système de Condorcet visait à écrire les petits nombres de manière simple et que celui de Knuth vise à écrire de manière concise les grands nombres, Marcel Guery propose en 2007 un code permettant d'écrire les petits nombres de manière concise. L'idée de base du système roli est de minimiser au maximum le nombre de syllabes : un nombre comme 829 683, qui demande 11 syllabes à être prononcé, le sera en seulement 2 une fois rolifié.

Le principe est simple : un groupe de trois chiffres sera représenté par une syllabe, construit à l'aide du code suivant :

roli
Le code roli

Un groupe de trois chiffres s'écrit C+V+C
Un groupe de deux chiffres s'écrit C+V
Un groupe d'un seul chiffre s'écrit  V

Une syllabe représente ainsi un nombre entre 0 et 999, qui seront séparés à l'écrit par un tiret.

8 : wi
42 : kou
666 : sés
831 : chyoul
31 861 : mi-chél

Le temps de prononciation devient alors ridiculement bas ! Le nombre 789 295 317 demandera 19 syllabes pour être prononcé de manières traditionnelle, 17 dans le système révolutionnaire de Condorcet et seulement 3 dans sa version rolifiée (pwin-tyof-mip). Dans un monde utopique, on pourrait penser à une utilisation par ceux dont le métier est de trasnmettre oralement un grand nombre de chiffres. Les numéros de téléphones seraient bien plus pratique à être transmis ("-Hey, t'es charmante, tu me passes ton ré ? - Bien sûr, c'est le chyot-ryat-fit !)... En attendant, il peut servir à noter discrètement les dates historiques sur le blanco en vue d'un contrôle d'histoire...

En fait, le principal attrait de cette écriture est de pouvoir disposer de nombre dont la lecture sera amusante, comme 74 247 725,  449 940 144 467 ou 82 003 349 966 400 !

------

Et dans la plus pure tradition des articles de numération de ce blog, terminons par un traducteur des nombres en révolutionnaire, en roli ou en myriades ! Pour des raisons de place, on ne pourra écrire que des nombres inférieurs à dix byllion de quintyllions de sextyllions pour la traduiction en myriades ou en roli. La traduction dans le système de Condorcet se limite aux mots utilisés par Condorcet, de l'ordre de cent quadrillions.

 

 


Sources :
Le système révolutionnaire de Condorcet : Chez Nicolas Graner
Le système des myriades de Knuth : Chez wikipedia
Le système roli de Guery : Quadrature n°66, Octobre-décembre 2007

Publicité
Publicité
Commentaires
T
Super article !<br /> <br /> Le roli, c'est vraiment 101 ! D'ailleurs, si on suit l'idée de Tom Roud, je serais 217 770. J'aime bien !
Répondre
T
On devrait tous avoir un nom "roli", comme on a un nom Jedi ou un nom d'Elfe. Mon nom roli semble donc être quelque chose comme 203 022
Répondre
P
Je note que dans un monde utopique, les jolies filles mettent des râteaux aux hommes en donnant le numéro du père Noël.
Répondre
3
C'est très bien tout cela, mais je regrette que le programme ne fonctionne que dans un sens.;)<br /> Bonne continuation
Répondre
E
Ah, petite coquille ! Voilà qui est réparé.
Répondre
Publicité
Votez pour moi
Publicité