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Choux romanesco, Vache qui rit et intégrales curvilignes
25 décembre 2011

Top 10 des mathématiques religieuses

Ça alors ! Je n'ai rien écrit sur ce blog depuis plus d'un mois !
Ça alors ! Aujourd'hui c'est Noël !

J'ai donc deux bonnes raisons de vous proposer en ce jour un nouveau top 10 sur ce blog. Et pour me racheter d'avoir proposé l'année dernière des tops 10 mathématiques sur la bouffe, sur les bestioles ou sur les voyages, voici aujourd'hui un récapitulatif du divin, du mystique, du pieux et du mythologique dans les mathématiques contemporaines !

Numéro 10 : La corne de Gabriel

320px_GabrielHorn
La trompette de Gabriel (tronquée)

Le jour du jugement dernier, l'ange Gabriel soufflera dans sa corne (une corne quelconque, au détail près qu'elle est infiniment longue). Une fois pour faire peur tout le monde, puis une seconde fois pour montrer qu'il n'est pas là pour rigoler. Et après, il prendra des pots de peinture. Un premier pour remplir de peinture l'intérieur de sa corne ; puis un deuxième, pour en peindre l'extérieur. Et c'est là que l'ange Gabriel peut utiliser ses pouvoirs magiques : pour peindre l'extérieur de sa trompette infinie, il devra utiliser une infinité de peinture, mais n'utilisera pas plus d'un pot pour en remplir l'intérieur...

Au XVIIe siècle, avant même l'invention du calcul intégral, Evangelista Torricelli parvient à montrer qu'il est possible d'imaginer un solide infini possédant tout de même un volume fini. Un paradoxe en entraînant un autre, cet objet possède une surface infinie. Cet objet, c'est la corne de Gabriel (alias trompette de Torricelli), qui est la surface engendrée par la rotation autour de l'axe (Ox) de l'hyperbole d'équation y=1/x sur l'intervalle [1,+∞[ 

Numéro 9 : Le problème des bœufs d'Hélios

Saint_pellegrino
Tuer le bétail de Hélios : mauvaise idée.

Hélios, qui n'est autre que le Soleil de la mythologie grecque, possède des troupeaux de taureaux sur l'île de Trinacrie (troupeau qui sera abattu par les hommes d'Ulysse lors de ses pérégrinations). Le nombre de taureaux blancs est égal au nombre de taureaux bruns plus 5/6 du nombre de taureaux noirs. Le nombre de taureaux noirs est égal au nombre de taureaux bruns plus 9/20 du nombre de taureaux gris. Le nombre de taureaux gris est égal au nombre de taureaux bruns plus 13/42 du nombre de taureaux blancs. Le nombre de vaches blanches est égal aux 7/12 du nombre d'animaux noirs. Le nombre de vaches noires est égal aux 9/20 du nombre d'animaux gris. Le nombre de vaches grises est égal aux 11/30 du nombre d'animaux bruns. Le nombre de vaches brunes est égal aux 13/42 du nombre d'animaux blancs. Mézalors, combien Hélios a-t-il de bêtes ?
Ah, j'oubliais deux détails supplémentaires : en ajoutant le nombre de taureaux blancs et noirs, on trouve un carré parfait ; en additionnant le nombre de taureaux gris et bruns, on trouve un nombre triangulaire...

Débrouillez-vous avec ça !

Ce problème (à l'origine, un poème écrit par Archimède mettant au défi la sagacité de ses lecteurs), a été redécouvert au XVIIIe siècle dans le fin fond d'une bibliothèque. Il est peu vraisemblable que les mathématiciens antiques aient réussi à le résoudre, étant donné la taille des nombres entrant en jeu dans les équations. La première solution exacte ne sera pas publiée avant 1880.

Le problème met donc en jeu des équations diophantiennes (les solutions sont des nombres entiers). Avec un peu de patience, mais sans grande difficulté, on peut trouver que le nombre d'animaux est un multiple de 50 389 082. Il faut beaucoup plus de patience pour s'attaquer aux deux autres hypothèses (l'histoire du carré parfait et du nombre triangulaire), puisqu'il faut utiliser des résultats d'arithmétiques plus compliqués. La solution exacte apparaît alors : Hélios possède donc (au moins) 7.76×10206544 têtes de bétail (qui est donc un nombre à plus de 200 000 chiffres. A titre de comparaison, on estime à 1085 le nombre de particules dans l'Univers visible). La réponse a de quoi étonner, les nombres de l'énoncé n'étant pas si terribles que ça !

Numéro 8 : Le théorème de la chaussette de Noël

Noel_en_chaussette
Si avec ça, le Père Noël ne passe pas chez moi, je ne comprends plus rien...

Parfois, il suffit de peu pour baptiser une propriété mathématique. Le théorème de la chaussette de Noël (alias théorème de la crosse de Hockey) en est un exemple... Il indique que, dans un triangle de Pascal (une pyramide où chaque brique est la somme des deux briques qu'elle soutient), lorsque l'on somme les premiers k premiers éléments d'une diagonale, le nombre que l'on trouve est celui du pied de la diagonale (le k-ième terme de la diagonale suivante).

Le nom du théorème vient de la ressemblance frappante entre la chaussettes que l'on laisse sur le bord de la cheminée et les cases que l'on colore dans le triangle de Pascal pour faire apparaître la relation :

chaussette_j_ai_dit_chaussette

Numéro 7 : Le problème de l'ange

Angel_Fight
Un ange, un démon, un échiquier infini : le combat entre le bien et le mal peut commencer !

Le problème de l'ange, casse-tête que l'on doit à Conway, met en scène un ange cherchant à fuir la fureur d'un démon vengeur. Tout ceci se déroule sur un échiquier infini, sur lequel l'ange se déplace comme le roi d'un jeu d'échec (un pas dans l'une des huit directions possibles). Dès que l'ange fait un pas, le démon détruit une case de son choix, n'importe laquelle, sauf celle où l'ange se trouve. Si l'ange se déplace intelligemment, parviendra-t-il toujours à s'échapper ? Si le démon détruit les bonnes cases au bon moment, pourra-t-il toujours enfermer l'ange ?... Il y aura forcément un gagnant, mais lequel ?

Le cas de l'ange de force 1 n'est pas si difficile que ça à résoudre. Mais qu'en est-il d'un ange de force n, qui se déplace de n pas avant que le démon ne détruise une nouvelle case ?

Le cas n=1 a vite été résolu par Conway (en 1982) : face à un démon très malin, il finira toujours par se faire enfermer. La solution implique de créer un enclos 35×35. Pour les anges plus forts, le problème est resté ouvert plus longtemps. Conway a même mis à prix son problème : 100$ pour le premier à montrer qu'un ange suffisamment fort peut toujours gagner, 1000$ pour celui qui montre que le démon peut toujours gagner contre un ange suffisamment fort.

Ce n'est qu'en 2006 que la résolution du problème (dans sa forme généralisée) apparaît, lorsque Brian Bowditch montre que l'ange de force 4 finit toujours par s'échapper. Un an plus tard, András Máthé donne la réponse attendue depuis les années 80 : oui, l'ange de force 2 peut toujours s'échapper. Le bien a gagné !

Numéro 6 : Le nombre de la bête

B____te
Le nombre de la bête est 666, et c'est comme ça.

On ne peut pas passer à côté du nombre mystique par excellence : le chiffre (sic) de la Bête. Trois 6 accolés forment donc LE nombre diabolique, le nombre 666 (surtout depuis qu'il est cité dans la plupart des traductions de l'Apocalypse de Jean).

Du coup, de nombreux concepts de numérologie en découlent :
- les nombres de l'apocalypse : un nombre qui s'écrit avec 666 chiffres (par exemple, le 3184 terme de la suite de Fibonacci).
- les nombres diaboliques : un nombre dont la somme des n premières décimales est 666. Par exemple, pi est diabolique, car la somme de ses 144 premières décimales fait 666. De la même façon, le nombre d'or ou √6 sont diaboliques. Encore plus fort : les nombres cos(666), √√√666, 666√666, π666 ou 6661/666 sont diaboliques !...
- les nombres apocalyptiques : une puissance de 2 qui contient la suite de chiffres 666. Les plus petits nombres apocalyptiques sont  2157 et 2192.
- le nombre de Legion : celui qui vaut 666666, et qui s'écrit donc avec 1881 chiffres.
- le nombre de Leviathan : celui qui vaut (10666 )! (où ! désigne la factorielle). C'est donc un nombre qui s'écrit avec approximativement 6.656×10668 ...

Numéro 5 : L'escalier du diable

CantorEscalier
Le diable ne se contente pas d'un escalier classique...

Restons dans le satanisme, avec l'escalier du diable (aussi connu sous le nom d'escalier de Cantor). En quoi cette courbe est plus diabolique que n'importe quelle autre ? Eh bien, c'est simple : d'habitude, une fonction continue dont la dérivée vaut zéro partout (donc, aucun accroissement) est une fonction constante. La fonction du diable (représentée par cette courbe en escalier) est une fonction continue dont la dérivée est nulle presque partout -nulle partout, sauf éventuellement en un négligeable de points - mais qui n'a rien de constante (puisqu'elle est quand même parfaitement croissante). Elle ne remet heureusement pas en cause le théorème, puisqu'il faudrait que sa dérivée soit nulle vraiment partout, ce qui n'est pas le cas aussi.

Numéro 4 : L'hexagramme mystique de Pascal

Hexagramme_mystique
Mystique, non ?...

Placez six points sur un cercle (ou sur n'importe quel autre conique, comme une ellipse, une parabole ou une hyperbole), et reliez ces points. Vous obtenez alors un hexagone. Fait intéressant : les 3 points formés par l'intersection des côtés opposés de cet hexagone sont alignés ! C'est ainsi que s'énonce le théorème de Pascal (alias, théorème de l'hexagramme mystique).

Bien sûr, le théorème marche quand l'hexagone n'est pas croisé (les points d'intersection sont alors à l'extérieur de la conique), mais fonctionne aussi avec un hexagone croisé. Un hexagramme, en fait. Lorsque Blaise Pascal a découvert à l'âge de 16 ans ce théorème grâce à la figure de l'hexagramme, il l'aurait qualifié de "mystique". Le nom est resté !

Notons que le théorème de Pascal fonctionne toujours lorsque la conique est dégénérée (et qu'elle est un couple de droite). Même que c'est le théorème de Pappus.

Numéro 3 : Le théorème de l'étoile de David

David_Superstar

Vous aurez reconnu, au travers de cette étoile de David, une partie du triangle de Pascal (avec ses colonnes et ses lignes inversées). Le théorème de l'étoile de David, découvert en 1972 par H.W. Gould, énonce donc une étonnante propriété du triangle de Pascal : le PGCD des sommets d'un des triangles est égal au PGCD des sommets de l'autre. Autrement dit :

Sans_titre

Le théorème peut même se généraliser à une étoile plus grande, mais ça devient tordu...

Numéro 2 : Le nombre de Dieu

Rubikscube
Le nombre de Dieu est 20. Pas plus.

Que fait Dieu lorsqu'on lui donne un Rubik's Cube à résoudre ? Eh bien, il le fait au plus vite, et passe à autre chose. L'algorithme qu'il utilise est le plus puissant de tous : c'est l'algorithme de Dieu. Pour chacune des 252 003 274 489 856 000 positions possibles du cube, cet algorithme donne la suite des mouvements à effectuer pour le ramener au plus vite en position initiale. Fait intéressant : il ne faut jamais plus de 20 mouvements pour résoudre un cube de Rubik. Ce nombre, 20, est appelé nombre de Dieu.

Ce théorème ("le diamètre du graphe du Rubik's Cube est 20") est plutôt récent, puisqu'il ne date que de juillet 2010 ! Pour le déterminer, l'équipe de mathématiciens qui s'y est collé a utilisé la force de calcul des ordinateurs de Google pour déterminer ce résultat en quelques minutes (après de longue nuits à réfléchir à la simplification du problème : partition des configurations de départ, suppression des symétries, optimisation de l'algorithme...).

Le dieu du cube

Numéro 1 : La proportion divine

Meunier_tu_nombre_dort
Dans tout dodécaèdre régulier sommeille le nombre d'or...

La première place de ce top n'est pas du tout méritée, puisqu'elle revient au nombre d'or, baptisée "proportion divine" à la Renaissance par Luca Pacioli. C'est donc dans le livre du moine franciscain De divina proportione que l'on retrouve pour la première fois un lien entre l'antique problème "du partage d'un segment en moyenne et extrême raison" et de la perfection d'un rapport qui "concorde avec les attributs qui appartiennent à Dieu". Le nombre d'or perdra progressivement son caractère divin pour devenir au XIXe siècle un incontournable de l'esthétisme...

Le plus doré de tous les nombres

J'aurais également pu parler de la croix de Saint-André, plus connue sous le nom de "croix de la multiplication", ou de la courbe du diable, une quartique ressemblant vaguement à un diabolo...


Sources :
10 - Illustration : Gabriel Horn
9 - Le problème des boeufs d'Hélios sur wikipédia
Illustration : Les Compagnons d’Ulysse volant le bétail d’Hélios, par Pellegrino Tibaldi
7 - Le problème de l'ange, et ses solutions, PLS n°354, avril 2007
Illustration : Jacob Wrestling with the Angel, par Gustave Doré
6 - Illustration : The Number of the Beast is 666, par William Blake
5 - Illustration : Cantor function
3 - Le théorème de l'étoile de David et ses généralisations, sur Mathworld
2 - Illustration : Rubik's Cube
1 - Illustration : Dodécaèdre de Platon

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Commentaires
M
Encore plus effrayant: le nombre 1/9 est "diabolique" à la 666e décimale ! ;)
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C
Les belles sciences que sont les mathématiques !<br /> <br /> <br /> <br /> A+<br /> <br /> www.catastrophe.fr
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G
Petit bug dans l'énoncé: le coefficient de la deuxième équation est 9/20 dans la version usuelle (les résultats mentionnés sont bien pour celle-ci).
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L
Et le chiffre 2 ? En ce temps_là, Jésus disait à ses disciples : "mes frères en vérité je vous le dis, i grec égale a x au carré, plus b fois x, plus c." Et les disciples de soupirer : "pff, encore une parabole..."
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E
Joyeux Noël à vous tous !<br /> <br /> Matsaya > La remarque sur l'intérieur de la corne a trait au volume : l'"intérieur" (le volume délimité par la courbe) est fini, mais son "extérieur" (la surface) best infini.
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